Le vote par correspondance revient à la mode pour pallier les difficultés actuelles liées notamment à l’épidémie de COVID-19.

 

SOMMAIRE

I- RAPIDE RAPPEL D’ORDRE GÉNÉRAL.

Il est vrai que les récentes polémiques enregistrées outre atlantique, semant le doute sur la validité du scrutin, pourraient relancer la querelle des Anciens contre les Modernes.

En France, il faut rappeler que la loi du 31 décembre 1975 a interdit le vote par correspondance2.

La question de son rétablissement se fait jour, surtout dans le contexte de prochaines politiques électorales.

II – LE VOTE PAR CORRESPONDANCE EN COPROPRIÉTÉ.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) a introduit dans son article 211, au titre II, de nouvelles possibilités pour les copropriétaires de participer à l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires.

Ainsi, la participation du copropriétaire à une assemblée générale peut s’effectuer par présence physique, par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification, en votant par correspondance, ou bien par délégation de son droit de vote à un mandataire, que ce dernier soit ou non membre du syndicat (articles 17 et 22 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965).

Ce vote par correspondance est inclus dans l’ordonnance d’octobre 20193.

Si l’article 22 de l’ordonnance du 25 mars 2020 précise les modalités de durée du mandat du syndic, suite au confinement4, l’ordonnance du 20 mai 20205 vient apporter les précisions nécessaires à la convocation de l’assemblée générale :

– jusqu’au 1er avril 20216, le syndic peut prévoir que les copropriétaires ne participent pas à l’assemblée générale par présence physique. (article 22-2-I de l’ordonnance)

– lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n’est pas possible, le syndic peut prévoir que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance (article 22-2-I-§3)

-Si l’assemblée est déjà convoquée, et que le syndic fait application de l’article ci-dessus, il en informe les copropriétaires au moins quinze jours avant la tenue de cette assemblée (article 22-2-II)

 

III – MODALITÉS DU VOTE PAR CORRESPONDANCE

Le décret du 2 juillet 2020 7 réforme considérablement la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967 sur la copropriété 8. Cette réforme devrait conduire dans les mois qui viennent, à une importante mise à jour du Code de la copropriété.

Quelles sont les dispositions importantes concernant l’assemblée générale :

  • Lorsque le vote est par correspondance, l’assemblée générale des copropriétaires est convoquée sans qu’un lieu de réunion soit déterminé, ni indiqué dans la convocation par dérogation à l’article 9 du décret de 1967.
  • Le Syndic devra joindre à la convocation, le formulaire établi conformément au modèle fixé par l’arrêté ministériel du 2 juillet 2020, qui peut être adapté et complété sans qu’aucune des mentions du modèle puisse être supprimée.
  • Le copropriétaire votant par correspondance mentionné à l’article 17-1-A de la loi du 10 juillet 1965, doit, avant la tenue de l’assemblée générale, utiliser le formulaire indiqué ci-dessus.
  • Le formulaire de vote par correspondance est réceptionné par le syndic au plus tard trois jours francs avant la date de la réunion.
  • Lorsque le formulaire de vote est transmis par courrier électronique à l’adresse indiquée par le syndic, il est présumé réceptionné à la date de l’envoi.
  • Si la résolution objet du vote par correspondance est amendée en cours d’assemblée générale, le votant par correspondance ayant voté favorablement est assimilé à un copropriétaire défaillant pour cette résolution.
  • Il est tenu une feuille de présence, pouvant comporter plusieurs feuillets, qui indique les nom et domicile de chaque copropriétaire ou associé :
    • Présent physiquement ou représenté ;
    • Participant à l’assemblée générale par visioconférence, par audioconférence ou par un autre moyen de communication électronique ;
    • Ayant voté par correspondance avec mention de la date de réception du formulaire par le syndic ;
  • Le procès-verbal comporte, sous l’intitulé de chaque question inscrite à l’ordre du jour, le résultat du vote. Il précise les noms et nombre de voix des copropriétaires ou associés qui se sont opposés à la décision, qui se sont abstenus, ou qui sont assimilés à un copropriétaire défaillant en application du deuxième alinéa de l’article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965.
  • Il est établi un procès-verbal des décisions de chaque assemblée qui est signé, à la fin de la séance, ou dans les huit jours suivant la tenue de l’assemblée, par le président, par le secrétaire et par le ou les scrutateurs.
  • L’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 précise que « les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d’un mois à compter de la tenue de l’assemblée générale9.

IV – VOTE PAR CORRESPONDANCE : LA SUPPRESSION DES A.G. PROGRAMMÉE ?

Le vote par correspondance n’est pas soumis à l’anonymat de la décision de chaque copropriétaire ce qui permet la notification du procès-verbal prévue par l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, aux copropriétaires opposants et défaillants.        
Mais est-ce un avantage pour le copropriétaire de la possibilité d’un recours en annulation de résolution d’une assemblée générale ne se basant que sur le vote par correspondance (même si la dérogation de la tenue de cette assemblée est limitée, à ce jour, jusqu’au 31 janvier 2021) ?

De nombreuses difficultés surgissent dans le déroulement de cette réunion sur la seule décision du syndic.

Au préalable, le syndic peut prévoir le vote par correspondance, lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n’est pas possible, suivant les dispositions de l’article 13 de l’ordonnance  du 20 mai 202010.

Comment informe-t-il les copropriétaires sur ses démarches ?

Le syndic a donc tout pouvoir et dispose seul la décision de la tenue d’une assemblée générale de la copropriété, exclusivement par correspondance, sans avoir besoin de l’avis du conseil syndical !

A – Tenue de l’assemblée générale au seul moyen de vote par correspondance ; délai d’information.

Dans le cas où l’assemblée générale des copropriétaires a déjà été convoquée, le syndic qui décide que les copropriétaires ne participent pas à l’assemblée générale par présence physique, et que le seul moyen de tenue et de vote s’effectue par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique ou par correspondance, « doit en informer les copropriétaires au moins quinze jours avant la tenue de cette assemblée par tout moyen permettant d’établir avec certitude la date de la réception de cette information »11.

Le syndic aura tout intérêt à respecter ce délai de quinze jours, qui court à compter de la réception de l’information. La date de réception n’est pas la date de première présentation d’une lettre recommandée.

Mais ce délai vient d’être modifié par l’article 8 de l’ordonnance du 18 novembre 202012 qui fixe une nouvelle dérogation : « pour les assemblées générales convoquées à une date comprise entre le 29 octobre 2020 et le 4 décembre 2020, le syndic peut, à tout moment, informer les copropriétaires, par tout moyen permettant d’établir avec certitude la date de la réception de cette information, que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance ».

Néanmoins, « le courrier d’information fixe un nouveau délai de réception par le syndic des formulaires de vote par correspondance, qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la réception de ce courrier 13».

B – Le Formulaire de vote par correspondance.

FORMULAIREL’article 1er de l’arrêté du 2 juillet 2020 dispose que « Le formulaire de vote par correspondance mentionné à l’article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965 susvisée est conforme au modèle figurant en annexe du présent arrêté.

Le formulaire peut être adapté et complété sans qu’aucune des mentions du modèle puisse être supprimée.

Certains syndics ont supprimé la première colonne intitulé « identification de l’objet », qui correspond à une rubrique générale de la proposition de résolution, comme « examen et approbation des comptes » ou « vote travaux».

Dans ce cas, quelle est la sanction ?

C – Vote par correspondance considéré comme défavorable.

La possibilité, pour le copropriétaire, de débattre et d’exprimer son avis, et ainsi d’échanger avec les autres membres du syndicat de copropriété, sur chaque résolution lui est retirée.

Il n’a plus qu’à cocher la case « pour », « contre », ou « abstention », sur le formulaire prévu à cet effet, et l’adresser au syndic pour qu’au plus tard, ce dernier le réceptionne 3 jours francs avant la date de réunion.

Le premier obstacle se révèle par l’article 17-1-A de la loi du 10 juillet 965 qui dispose que « sont également considérés comme défavorables les votes par correspondance portant sur des résolutions qui, à l’issue des débats en assemblée générale, ont évolué de manière substantielle ».

Comment faire appliquer cette disposition, puisqu’il n’y a pas de débats ?

D – Élection du Président de séance, du ou des scrutateurs, du secrétaire de séance, et des membres du conseil syndical.

Jusqu’alors, leur candidature était présentée lors de la tenue de l’assemblée générale.

Aujourd’hui, la difficulté qui résulte de ces nominations, sans mention de nom sur la convocation et le formulaire, peut être résolue si, avant l’envoi de la convocation, les candidatures de Président de séance et scrutateurs soient transmises au Syndic, avant l’envoi des convocations, après courriels ou courrier adressé à tous les copropriétaires.

Il en serait de même pour l’inscription des candidats qui souhaitent se présenter au conseil syndical.

Certains syndics ont inscrit sur la convocation et le formulaire le Président de séance, le ou les scrutateurs, ainsi que les membres du Conseil syndical désignés l’année précédente.

L’ordonnance du 20 mai 2020, dispose que pour ce qui concerne la tenue de l’assemblée générale exclusivement par correspondance, « le président du conseil syndical, ou à défaut, l’un de ses membres, ou en leur absence, l’un des copropriétaires votant désigné par le syndic, assure les missions qui incombent au président de séance en application des dispositions du décret du 17 mars 196714».

Comment est alors désigné le scrutateur ?

Voilà encore des pouvoirs exorbitants attribués au syndic !

E – Vote d’une résolution en première puis seconde lecture selon les majorités requises : Rébus à résoudre ?

Rappelons que l’ordonnance d’octobre 2019 a introduit à l’article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965, de nouvelles règles de vote à la majorité de l’article 25, avec la possibilité, en cas de majorité requise non atteinte sur une résolution, la résolution est présentée en deuxième lecture pour vote à la majorité de l’article 2415».

Mais cette nouvelle passerelle doit également être conforme à l’article 19 du décret du 17 mars 1967 précise que le « second vote aux articles 25-1 et 26-1 de la loi du 10 juillet 1965 n’ont lieu « qu’après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité applicable au premier vote16».

Comment s’applique donc cette procédure dans le cas du vote par correspondance ?

Comme exemple, imaginons un vote sur l’élection du syndic. 3 contrats de syndic sont proposés à l’ordre du jour.

Lors du vote en première lecture, aucun des trois syndics n’est élu à la majorité de l’article 25, mais l’un d’entre eux a obtenu le tiers des voix il est procédé immédiatement à un second vote à la majorité de l’article 24.

Ce second vote est bien consécutif au premier vote et non simultané. Aussi le formulaire proposé à ce jour ne permet pas de voter en seconde lecture sur le fondement de l’article 19 du décret du 17 mars 1967. Il est non conforme à la loi et une nouvelle refonte de celui-ci devrait être envisagée.

Dans cette attente quelles seront les contestations et éventuels recours à l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ?

Après quelques mois de l’entrée en vigueur de toutes ces dispositions, leurs mises en pratique sont incertaines et promettent de nombreux débats juridiques.

©Noumadi KAMARA


Notes

  1. Loi n° 75-1329 du 31 décembre 1975 modifiant certaines dispositions du code électoral], remplacé pour certaines catégories d’électrices et d’électeurs par le vote par procuration.

    Le ministre d’État, ministre de l’Intérieur de l’époque, Monsieur Michel Poniatowski déclarait à l’Assemblée nationale que « [….]le Gouvernement n’a d’autre ressource, face aux abus auxquels donne lieu le vote par correspondance, que de vous proposer sa suppression totale. Je précise à cet égard que le vote par correspondance est, dans notre démocratie, un moyen de votation subsidiaire, initialement créé pour éviter le déplacement d’électeurs ne disposant pas de moyens pour le faire, et qui n’existe pratiquement dans aucune autre démocratie. Lier le vote par correspondance à la démocratie n’est pas logique quand les abus de ce mode de votation aboutissent à discréditer tout à la fois la démocratie, les électeurs et les élus. En revanche, le vote par correspondance sera remplacé par le vote par procuration, qui présente plus de garanties. Il exige en effet la comparution de l’électeur devant une autorité qualifiée, et le vote personnel du mandataire […]»1JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. DÉBATS PARLEMENTAIRES. ASSEMBLÉE NATIONALE. COMPTE RENDU INTÉGRALE DES SÉANCES. Page 9370

  2. .Ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 – art. 24 – article 24 de la loi du 10 juillet 1965 : « Les décisions de l’assemblée générale sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, s’il n’en est autrement ordonné par la loi»
  3. Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété
  4. Ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifiant l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété
  5. article 8 de Ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux copropriétés
  6. Décret n° 2020-834 du 2 juillet 2020 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis et relatif à diverses mesures concernant le fonctionnement de la copropriété
  7. Décret n°67-223 du 17 mars 1967
  8. Ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis-article 37
  9. Ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifiant l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété – article 13 ajoutant l’article 22-2- II
  10. article 13 de l’Ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifiant l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété – article 13 ajoutant l’article 22-2- II
  11. Ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux copropriétés
  12. complétant l’article 22-2 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020
  13. article 13 de Ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifiant l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété – article 13 ajoutant l’article article 22-3 4°
  14. Article 26 de l’Ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis – Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis-Art.25-1.-« Lorsque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires, en application de l’article 25 ou d’une autre disposition, mais que le projet a recueilli au moins le tiers de ces voix, la même assemblée se prononce à la majorité prévue à l’article 24 en procédant immédiatement à un second vote
  15. Article 22 du décret n° 2020-834 du 2 juillet 2020 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis et relatif à diverses mesures concernant le fonctionnement de la copropriété – Décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis – Article n°19 : « Pour l’application des articles 25-1 et 26-1 de la loi du 10 juillet 1965, lorsque l’assemblée est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidats, elle ne peut procéder au second vote prévu à ces articles qu’après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité applicable au premier vote
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